Ce mois-ci pour Leading Voices, nous avons rencontré Dr. Hortense Kossou, conseillère technique principale pour le projet, financé par l’USAID, Integrated Health Services Activity (IHSA) au Bénin.
Hortense, qui travaillait auparavant pour le gouvernement du Bénin au sein du ministère de la Santé, dirige désormais les activités en lien avec le paludisme pour le programme. Dans ce numéro, elle nous apporte plus de précisions sur les défis que rencontre le pays contre cette maladie et les actions mises en œuvre pour lutter contre elle.
Le paludisme est l’une des causes principales de mortalité pour les enfants de moins de cinq ans et de morbidité pour les adultes. De quelle façon est-ce que l’environnement dans lequel vous travaillez a changé depuis le début de votre carrière au sein du ministère de la Santé en 1997?
La lutte contre le paludisme a beaucoup évolué entre les années 1990 et aujourd’hui. Le ministère de la Santé a suivi les nouvelles innovations technologiques en passant, par exemple, de l’utilisation de moustiquaires non traités à des Moustiquaires imprégnées avec des insecticides à longue durée d’action (MILD). Des changements ont également été effectués pour accroitre la couverture de ces produits. Des moustiquaires furent d’abord fournies aux groupes les plus vulnérables de la population, comme les enfants de moins de cinq ans. A présent, la couverture est plus large et comprend tous les membres de la population.
Je dois également mentionner la mise en place de traitements préventifs intermittents du paludisme pour les femmes enceintes qui consistent en un protocole thérapeutique complet d’antipaludiques administrés lors de visites prénatales ainsi que la chimioprévention du paludisme saisonnier, des campagnes destinées aux enfants de moins de cinq ans lors de la saison des pluies, lorsque la période de transmission du paludisme est forte.
Enfin, la mise en œuvre de Roll Back Malaria a également apporté un changement important dans la lutte contre le paludisme car il a permis une plus grande coordination entre de nombreux acteurs (les Nations unies, les ONG ainsi que les universités et le centre entomologique de Cotonou). Ces acteurs travaillent conjointement sur trois volets: la communication, la prévention et le suivi des cas.
Ces mesures ont ainsi permis des avancées fortes : on peut par exemple citer le fait que, selon les données de l’enquête démographique de santé pour 2017–2018, la possession de MILD a progressé de façon remarquable de 2006 à 2017, passant de 25% à 85%.
Quels sont les défis spécifiques liés au paludisme au Bénin ?
Ces avancées ne doivent pas cacher le fait que le pays fait encore face à de nombreux défis. S’agissant des moustiquaires par exemple, l’édition 2017–2018 de l’enquête démographique de santé montre que l’augmentation de la disponibilité des produits n’est pas suivie par une augmentation de l’utilisation. Le Bénin fait donc face à des défis comportementaux qu’il est nécessaire d’analyser pour en étudier les raisons sous-jacentes pour aider les ménages à utiliser les moustiquaires correctement.
Dans le même temps, il existe un réel problème de prise en charge et d’utilisation des ressources : le pays a adopté l’utilisation de tests à diagnostic rapide pour détecter les cas de paludisme afin qu’ils soient rapidement traités. Malheureusement, une étude a révélé que seulement 30% des cas traités sont en fait des cas de paludisme, ce qui résulte dans un gaspillage des ressources et du temps des agents de santé.
Vous soulignez un défi majeur dans la réponse global face au paludisme : avoir l’assurance que les bons outils et compétences soient utilisés de manière effective pour offrir une gestion de qualité des cas de paludisme et ce de façon large. Pouvez-vous nous décrire la façon dont IHSA souhaite adresser ce défi au Bénin ?
L’objectif de IHSA, un projet financé par l’USAID, est de renforcer les capacités locales à offrir des services à fort impact dans les domaines du paludisme, du planning familial, de la santé maternelle et infantile et des violences basées sur le genre dans le secteur public afin de réduire la mortalité et la morbidité maternelle, néonatale, infantile et des adolescentes. Pour réaliser ces objectifs, il est essentiel d’avoir un engagement fort du gouvernement et de la population dans le secteur de la santé ainsi qu’un accès plus grand aux données pour la prise de décision au niveau local. Ce travail sera essentiel pour les activités en lien avec le paludisme : IHSA se concentrera sur des activités de prévention, par exemple, lors de consultations prénatales et des campagnes de communication afin d’aider les agents de santé à reconnaître les signes du paludisme.
Les premiers résultats de l’étude de base montrent des difficultés s’agissant de la gestion et ont fait apparaître des exemples de mauvaises applications des directives, un manque de prises de décision après des contrôles ainsi que des problèmes à la fois de moyens et de connaissances du personnel de santé. Notre approche, c’est d’apporter une aide aux différentes équipes départementales avec lesquels nous travaillons pour qu’elles puissent analyser leurs propres problèmes et voir comment elles peuvent travailler de manière plus autonome et ainsi améliorer la qualité des services.
La chimioprévention du paludisme saisonnier est une activité clé de IHSA, pouvez-vous nous décrire la manière dont cette activité va se dérouler et l’impact espéré?
La chimioprévention du paludisme saisonnier est une activité qui est mise en œuvre dans les départements du nord du Bénin où le paludisme n’est présent que lors de la saison des pluies. Ces campagnes ont un intérêt très fort pour le gouvernement et les autorités communautaires locales car elles permettent de réduire de façon significative les cas de paludisme et surtout les cas de décès liés au paludisme des enfants de moins de cinq ans. Chaque relais communautaire aura un nombre désigné d’enfants auxquels il devra apporter des médicaments préventifs durant une période de trois jours. L’impact espéré de ces campagnes pour le Programme national de lutte contre le paludisme, auquel le projet IHSA et d’autres partenaires de mises en œuvre de l’USAID apportent leur soutien, est d’identifier tous les enfants qui peuvent avoir accès au traitement afin qu’ils puissent recevoir le traitement préventif lors de la campagne, avec l’objectif final de sauver le plus de vies possibles.
Le 25 avril marque la journée mondiale contre le paludisme, une journée importante pour parler de cette maladie. Selon vous, quelles sont les stratégies clés qui pourraient nous aider à réaliser l’objectif de développement durable 3.3 d’éliminer le paludisme en 2030?
Toute réponse doit être à l’initiative des pays. Pour vaincre le paludisme, il est nécessaire d’avoir une approche intégrée, financée et étendue dans le temps: dans le cas du Bénin, il est important d’avoir une approche interministérielle qui implique l’ensemble de l’exécutif. Il est également nécessaire d’avoir une meilleure connaissance du profil épidémiologique du pays afin de mieux prévenir la transmission du paludisme en fonction de la prévalence de la maladie dans chaque région. Enfin, il est également nécessaire d’avoir une meilleure implication des partenaires locaux de mise en œuvre et les communautés afin qu’elles comprennent le rôle essentiel qu’ils jouent dans la prévention et la lutte contre les mauvaises pratiques.
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